Le nouveau président élu du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye, devrait accorder une priorité à la protection et à la promotion des droits humains tout au long de son mandat, tant au Sénégal qu’au niveau régional, a déclaré Human Rights Watch dans une lettre adressée au président et rendue publique aujourd’hui.

Human Rights Watch a formulé cinq recommandations clés pour améliorer la situation des droits humains au Sénégal, exhortant Bassirou Diomaye Faye, au cours de son mandat, à : combattre l’impunité pour les abus commis par les forces de sécurité ; promouvoir et protéger les droits à la liberté d’expression, de réunion et d’association ; améliorer les conditions dans les prisons ; donner la priorité aux droits et à la sauvegarde des vies dans le cadre des questions liées à la migration irrégulière ; et développer une politique étrangère fondée sur les droits humains. Il devrait soutenir les démocraties respectueuses des droits en Afrique de l’Ouest et les mesures visant à renforcer le système de justice internationale.

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« Le président Faye a une occasion majeure de mettre en place une administration respectueuse des droits et conforme à l’état de droit », a déclaré Ilaria ALLEGROZZI, chercheuse senior sur le Sahel à Human Rights Watch. « Il devrait s’engager à entreprendre des réformes qui permettront de sauvegarder et de faire progresser les droits humains dans les années à venir. »

À l’âge de 44 ans, Bassirou Diomaye Faye est le plus jeune président de l’histoire du Sénégal. Il a prêté serment le 2 avril 2024, après des élections retardées, et moins de deux semaines après avoir été libéré de prison, où il purgeait une peine en raison d’une publication sur Facebook. Le même jour, il a nommé son principal soutien, Ousmane Sonko, au poste de Premier ministre.

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Le 3 février, l’ancien président Macky SALL a annoncé le report de l’élection présidentielle, initialement prévue pour le 25 février, invoquant une crise institutionnelle qui, selon lui, pourrait compromettre la crédibilité du scrutin. En janvier, le Conseil constitutionnel sénégalais avait exclu plusieurs candidats de la course électorale, dont Ousmane SONKO. Le parlement sénégalais a mis en place une commission d’enquête pour examiner la gestion du processus de sélection des candidats par le conseil, suite à des allégations de corruption visant au moins deux juges du conseil.

Le 6 février, le parlement sénégalais a voté le report des élections au 15 décembre après une session tumultueuse de l’Assemblée nationale, au cours de laquelle les forces de sécurité ont expulsé des parlementaires de l’opposition. Cet incident a déclenché des manifestations violentes les 9 et 10 février, à Dakar et dans tout le pays, entraînant la mort de quatre personnes et l’arrestation de plus de 270 autres.

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Le 13 mars, lors d’une réunion du conseil des ministres, et suite à des pressions nationales et internationales ainsi qu’à une décision du Conseil constitutionnel sénégalais, Macky SALL a raccourci ce délai et annoncé que les élections se tiendraient finalement le 24 mars.

Le scrutin fait suite à trois années de troubles politiques, marquées par l’arrestation d’Ousmane SONKO en juillet 2023 et la crainte que Macky SALL ne brigue un troisième mandat malgré les limites imposées par la Constitution. Les violences ont terni la réputation du Sénégal, considéré comme un exemple de démocratie stable dans une région où les coups d’État militaires sont fréquents. Des dizaines de personnes ont été tuées lors des manifestations et plus de 1 000 autres ont été arrêtées, dont Bassirou Diomaye Faye.

Bassirou Diomaye Faye est le Secrétaire général du parti des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (PASTEF), le principal groupe d’opposition dissous par les autorités en juillet 2023. Après avoir publié un message sur Facebook critiquant les magistrats, il a été arrêté le 14 avril 2023 et accusé, entre autres, d’« atteinte à la sûreté de l’État » et d’incitation à l’insurrection. Il a été libéré le 14 mars après l’adoption, le 6 mars, d’une loi d’amnistie par l’Assemblée nationale sénégalaise.

« En prenant des mesures audacieuses pour renforcer la protection des droits humains, le président Bassirou Diomaye Faye pourrait tourner la page sur des années de violence, d’abus et d’impunité », a déclaré Ilaria ALLEGROZZI. « Le peuple sénégalais et le monde entier suivront de près ses décisions. », a rapporté l’organisation Human Rights Watch dans un communiqué.