
Par Amadou MBODJI –
Maurice Soudieck Dione défend l’idée que les pouvoirs du président de la République devraient être rationalisés, plutôt que de renforcer ceux du Premier ministre. S’exprimant hier au «Grand jury» de la Rfm, le professeur agrégé de Science politique à l’Ugb rappelle que «les Assises nationales avaient préconisé un renforcement des pouvoirs du Premier ministre, là où la Commission nationale de réforme des institutions avait plutôt penché pour une rationalisation des pouvoirs du président de la République».
Pour lui, la seconde option est «la solution la plus pertinente pour faire en sorte, par exemple, que les pouvoirs du procureur soient réduits de telle sorte qu’il ne soit plus un instrument qui peut être actionné pour combattre des adversaires politique, mais aussi d’éviter qu’il y ait des ruptures d’égalité entre deux parties».
Il craint par ailleurs que le scénario de 1962 ne se reproduise, en parlant de l’éventuel renforcement des pouvoirs du Premier ministre. Il met en garde contre cette éventualité en invitant les autorités sénégalaises à tirer les leçons de l’histoire pour éviter une crise. Maurice Soudieck Dione a rappelé l’épisode de 1962, marqué par l’affrontement entre Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia. Appelant ainsi le duo présidentiel actuel (Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko) «à garder une certaine complicité pour discuter et trouver ensemble des solutions».
«Il s’agit de garantir l’égalité devant la Justice et d’empêcher que le procureur ne soit utilisé comme une arme contre des adversaires politiques», conseille-t-il.
Au sujet des lenteurs dans la réforme des services publics, le politologue demande de «donner du temps au temps».
«Le discours de rupture certes est un discours qui a été agité durant la campagne présidentielle, pendant tout le temps où le Pastef était dans l’opposition. Mais, une fois qu’on est au pouvoir, il est judicieux, de mon point de vue, de réformer avec prudence, avec intelligence et avec tact. Cela nécessite de ne pas confondre vitesse et précipitation», a-t-il souligné. Maurice Soudieck Dione soutient que le Sénégal bénéficiait, depuis 1963, d’un «bon cadre institutionnel», caractérisé par un régime présidentiel fort, qui a garanti 62 ans de stabilité politique, malgré certaines dérives.
«Mais aujourd’hui, il faut rationaliser ce système, c’est-à-dire réduire les pouvoirs du président de la République, pas forcément au profit du Premier ministre, car cela pourrait reproduire le scénario de 1962», prône le politologue. L’impossibilité d’avoir deux personnes pour une chaise au sommet de l’Etat est une réalité que personne ne pourrait nier. Dans de nombreux systèmes politiques, il est effectivement difficile d’avoir deux personnes partageant le même rôle de leader suprême, notamment lorsqu’il s’agit de la tête de l’Etat. Cette idée reflète souvent les réalités du pouvoir et de la prise de décision au sommet de la hiérarchie politique. «On ne peut pas avoir deux têtes dans un même bonnet», selon Dione, qui indique qu’un déséquilibre des pouvoirs risquerait de provoquer des tensions au sommet de l’Etat. Maurice Soudieck Dione, enseignant-chercheur et professeur agrégé de Science politique à l’université Gaston Berger de Saint-Louis, invite les autorités sénégalaises à tirer les leçons de l’histoire pour éviter une crise institutionnelle.
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