
Celui qui régnera par l’épée périra par l’épée… Hier, Ousmane Sonko s’est montré passablement irrité, avec un discours menaçant, comme s’il ne portait pas ce grand boubou de Premier ministre. Voilà pourtant quelqu’un qui a tout pour être heureux, il a obtenu tout ce pourquoi il se battait. Ou presque ! Il a dégagé le «Système», gagné la Présidentielle en faisant largement élire son candidat, obtenu la majorité à l’Assemblée, ce qui lui permet de gouverner tranquillement. De plus, il est devenu super chef du gouvernement, avec des pouvoirs illimités. Manifestement, il n’est pas heureux. Pourquoi ? Allez savoir !
Car il est resté en 2021 et n’a pas réussi à mettre à jour son logiciel en étant au pouvoir, avec cette volonté de vouloir proroger ce «Mortal Kombat» ou ce «Gatsa Gatsa» qui l’a rendu si célèbre. Raboter les libertés ou mettre au pas les personnes critiques. En vérité, c’est un plan suffisamment planifié depuis le début de cette nouvelle alternance. Le 26 septembre dernier, il avait estimé que le débat sur les finances publiques devrait relever de la sécurité nationale. Lors de sa rencontre avec les organisations syndicales, le Premier ministre avait avancé que les pays asiatiques, qui se sont développés, avaient à un moment donné mis entre parenthèses certaines libertés. Même s’il ne remettait pas en cause la liberté d’expression, tentait-il de relativiser. Bien sûr, il faut se rendre compte que sa sortie d’hier est dans le même ordre d’idées. Il lui faudra alors bâtir des prisons pour concrétiser cette tentation totalitaire et cette ambition de construire un rideau de fer dans les esprits, pour soumettre les critiques. Chroniqueurs, voix indépendantes et journalistes, l’ombre de Pastef est sur vous ! Si Sarkozy avait parlé de passer les manifestants au Karcher, Sonko utilise le mot «effacer» ceux qui, selon lui, portent par procuration le combat des opposants, afin qu’ils sortent du bois. Ce champ lexical montre toute l’énergie qu’il entend déployer pour gagner ce pari.
C’est le temps de la chienlit qui s’annonce, pour un pays en ruines. Pour les médias, cela ne doit pas être une surprise. Le plan de liquidation assumé a été amorcé dès les premières heures du nouveau régime. On se souvient que les premières mesures «primatoriales» ont touché d’abord les entreprises de presse, avant même que l’Etat ne se penche sur les urgences des Sénégalais. C’est le Premier ministre, himself, qui a annoncé la fin des conventions qui les liaient aux structures publiques. Jusqu’ici, les créances ont été gelées par l’Administration. Sans oublier les Atd et la subvention à la presse confisquée. Il ne leur reste que cette liberté que le régime voudrait remettre en cause, comme si le 2 avril 2024 était l’année zéro de la liberté d’expression au Sénégal. Or, Pastef, dans l’opposition, a parrainé des «chroniqueurs», des «journalistes», et fondé un média de propagande dont certains responsables assument désormais des positions stratégiques au cœur de l’appareil étatique.
Aujourd’hui, il reste aux médias et aux personnes épris de libertés, à s’ériger en boucliers contre les graves menaces sur les libertés publiques et individuelles judiciarisées et politisées, pour arrêter cette Opa hostile décrétée par le pouvoir de Pastef. Il s’agit de principes non négociables, exercés dans la responsabilité. Cela devrait relever même de l’atavisme, car ce pays n’est pas un avatar de la dictature, mais une Nation libre. Il est grand temps de se lever pour contenir les dérives dangereuses sur le présent et l’avenir du Sénégal.
De toute façon, ce pays est trop grand pour succomber à cette tentation. Sonko est un homme très puissant, mais il n’a pas façonné ce Sénégal pour qu’il soit son miroir, le reflet de ses propres désirs. Le Sénégal lui survivra, même si son horizon de 2050 semble trop loin pour accepter que cette menace chimérique de destruction, sous nos yeux, de nos acquis démocratiques se concrétise dans notre pays. C’est l’essence même de son existence.
Par Bocar SAKHO-bsakho@lequotidien.sn